Psychanalyse, TCC, systémie… Comment s’y retrouver ?

En psychologie clinique, il existe plusieurs référentiels de travail. Chaque référentiel a posé des hypothèses sur le fonctionnement psychique, sur les causes des troubles et des souffrances liées au psychisme et sur la façon d’amener un changement et une amélioration. Les référentiels se sont souvent créés en opposition les uns avec les autres, ou en réaction à des défaillances ou des manques identifiés dans un précédent référentiel. Cela a créé des tensions entre les psychologues cliniciens. Actuellement, le mouvement est plutôt à la recherche d’une intégration de ces référentiels, ou tout du moins à une cohabitation fructueuse permettant de tirer parti des forces des unes pour compenser les faiblesses des autres.

La psychanalyse

Historiquement, la psychanalyse est le premier référentiel scientifique de travail sur le psychisme et les troubles mentaux. Auparavant, les seules solutions apportées aux personnes souffrant d’un trouble mental était soit de l’ordre de l’ésotérisme (exorcisme, magnétisme, hypnose) soit l’incarcération dans une prison ou un asile d’aliéné. Freud, le fondateur de la psychanalyse a montré qu’il n’y avait pas de frontière entre le normal et le pathologique en ce qui concerne le psychisme, mais une continuité. Il a ainsi permis une nouvelle approche de la santé mentale.

Le référentiel psychanalytique suppose qu’une partie de l’activité psychique est consciente tandis qu’une autre est inconsciente. Elle suppose également l’existence de trois instances psychiques : le Ça qui est le siège des pulsions (sexuelles et agressives) et soumis au principe de plaisir, le Moi qui est l’instance régulatrice de l’activité psychique et soumise au principe de réalité, et le Surmoi qui est le siège des règles et des normes. La psychanalyse se fonde sur une vision mécanistique du fonctionnement psychique et fait l’hypothèse d’une énergie fondamentale (la libido) qui circule entre les instances (aspect dynamique) selon une certaines quantité (aspect économique). Les conflits entre les différentes instances sont sources d’angoisse et la gestion de ces conflits et de ces angoisses peut amener à un un fonctionnement symptomatique. Dans ce référentiel, un symptôme a toujours une fonction psychique de défense afin de préserver l’unité psychique de la personne, quitte a entrainer de la souffrance.

Etant données ces hypothèses, la psychanalyse agit en essayant de comprendre comment les instances d’un patient se sont constituées, quelles sont les instances en conflits, quelles sont les types d’angoisse en jeu, quelle est la signification des symptômes dans l’économie psychique et pourquoi ces symptômes se sont installés. Un outil fondamental de la psychanalyse est l’association d’idées, permettant de faire remonter à la conscience les conflits et les angoisses inconscientes afin de les résoudre dans un fonctionnement moins problématique pour le patient. L’objectif de la psychanalyse est une meilleure connaissance par le patient de lui-même et l’élaboration de ses symptômes au travers de la recherche de leur sens (en faisant le lien entre les affects du patient et les représentations qui leurs sont associées dans l’inconscient). D’autres outils peuvent être utilisés dans ce but, comme l’étude des rêves du patient ou ses actes manqués.

La relation clinique en psychanalyse est pensée et utilisée, au travers de l’étude du transfert (ce que le patient projette sur le thérapeute) et du contre-transfert (la réponse du thérapeute à ce transfert). Ces mouvements transféro-contre-tranférentiels actualisent dans la relation clinique les difficultés relationnelles du patient et les conflits psychiques sous-jacents, ce qui permet de les penser et de les élaborer.

Les thérapies cognitivo-comportementalistes

Une partie des psychiatres et des psychologues contemporains de Freud se sont opposés à ses théories. Ils lui reprochaient de faire une fixation trop importante sur l’aspect sexuel, de ne pas avoir une approche assez scientifique, de ne pas proposer de thérapies assez efficaces. Un autre référentiel est né de ces critiques : le référentiel cognitivo-comportementaliste. La psychanalyse, de son côté, reproche aux TCC son aspect très réductionniste du psychisme et un travail trop superficiel, se centrant sur les symptômes et non sur les causes de la souffrance.

Le référentiel cognitivo-comportementaliste, qui se veut extrêmement objectif et pragmatique, a commencé par s’intéresser aux comportements, qui sont directement observables et mesurables (période du behaviorisme). Au travers d’expériences fondées sur des protocoles très précis, ce référentiel a étudié comment un comportement se met en place et comment il est possible de supprimer un comportement gênant ou de créer un comportement attendu. Les récompenses, les punitions, l’association d’un déclencheur et d’un comportement cible… toutes ces notions ont donné naissance à des techniques comportementalistes comme la désensibilisation progressive (pour lutter contre les phobies) ou la relaxation.

Ce référentiel a ensuite évolué pour prendre en compte les pensées du patient, c’est la facette cognitive. Dans cette version plus complexe, le fonctionnement psychique du patient est l’interaction de trois composantes : ses comportements, ses pensées, ses émotions. Les trois composantes sont liées et ont des effets les unes sur les autres. Agir sur une composante permet donc de modifier les autres en même temps. Avec cette hypothèse, les psychologues se sont donc intéressées aux modes de pensées et aux émotions caractéristiques de certains troubles (la dépression, l’anxiété, par exemple). Puis des outils de remédiations cognitives ont été créés, dans le but de modifier la façon de penser des patients. Il peut s’agir de psycho-éducation, d’un questionnement socratique, d’une étude des pensées automatiques, par exemple.

Dans une troisième évolution, la plus récente, les TCC se sont rendus compte qu’il était parfois vain de vouloir modifier certains comportements ou certains façon de penser et qu’il était parfois plus efficace de travailler sur l’acceptation de la réalité et de trouver le moyen de vivre de façon épanouie étant donnée la situation. Cela a donné naissance aux thérapies de type mindfulness ou des thérapies d’acceptation et d’engagement.

Dans ce référentiel, la relation clinique n’est pas réellement utilisée. La posture du thérapeute fait partie du protocole thérapeutique afin de créer une bonne alliance thérapeutique permettant de mettre en œuvre les différentes techniques. Il y a souvent un contrat, établi au début de la thérapie et fixant les objectifs, le nombre de séances, le protocole qui va être utilisé. Les protocoles sont très précis et les outils ont été évalués en terme d’efficacité. Cette approche se veut la plus scientifique et objective possible.

La systémie

Dans la seconde moitié du 20eme siècle, en même temps que les avancées technologiques autour de la robotique et l’informatique, certains psychologues ont voulu élargir le champ de réflexion sur les troubles psychique et ont crée le référentiel systémique. Ce référentiel reproche aux deux précédents de se centrer quasi-uniquement sur l’individu, comme s’il était une entité coupée du reste du monde. Pour les systémiciens, l’individu est toujours au centre d’un (et même plusieurs) système(s). Cela commence par le système familial.

Dans ce référentiel, les troubles du patient sont une réaction et une adaptation aux systèmes dans lesquels il évolue, dans le but de maintenant la cohésion du système. Les symptômes ont donc une fonction lorsqu’on les considère non plus sous le prisme de l’individu seul mais du fonctionnement global du système.

L’objectif des systémiciens est donc de déterminer quel est le fonctionnement du système (familial le plus souvent) et quel est le rôle du symptôme dans ce système. Pour cela, il est nécessaire de déterminer la place de chaque individu dans le système et les différentes interactions entre ces individus. La technique de soin consiste ici à modifier le système dans son ensemble afin de permettre d’obtenir un ensemble globalement plus fonctionnel dans lequel le symptôme perd sa raison d’être.

Dans ce référentiel, les consultations se font généralement avec le système (par exemple l’enfant avec les parents, ou la fratrie, ou les grands-parents…). Le groupe thérapeutique constitué de la famille et du thérapeute constituant un nouveau système, il est nécessaire d’analyser également le fonctionnement à ce niveau, ce qui nécessite la présence d’un co-thérapeute et/ou d’un système d’enregistrement vidéo apportant un regard externe au système thérapeutique.

Vers une intégration ?

Les référentiels présentés ici ne sont qu’une petite partie de tous les référentiels existant. On aurait pu citer le référentiel biologique (ou médical), le référentiel humaniste (comme la Gestalt-thérapie) ou les référentiels culturels (comme l’ethno-psychiatrie qui redonne leur place aux techniques d’hypnose, de chamanisme ou d’exorcisme).

Après la période féconde et prospère de multiplication et de diversification des approches, certains psychologues plaident pour un mouvement de synthèse et d’intégration qui permettrait de mettre en synergie plutôt qu’en opposition les différentes approches théoriques et pratiques. Quels sont les liens et les ponts que l’on peut établir entre les référentiels ? Quelles sont les forces et les faiblesses de chaque approche ? En quoi sont-elles complémentaires ? Dans quel cadre est-il plus intéressant d’utiliser telle ou telle approche ? Pour répondre à toutes ces questions, il est bien évident qu’il faut dans un premier temps maitriser chacun des référentiels, de façon à éviter des confusions et des amalgames contre-productifs. Mais la perspective de cette intégration vaut la peine de faire cet effort, afin de se donner les moyens les plus appropriés et les plus diversifiés d’obtenir des changements et une amélioration de la qualité de vie des patients.